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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/406

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En outre, il jura que, dès qu’il aurait le loisir, il composerait un livre de la pratique des plus mignards jeux de l’amour.

Cet entretien fini, plusieurs hommes et plusieurs femmes, qui ne désiraient pas coucher au château de Raymond, prirent congé de lui et s’en retournèrent en leur logis. Ceux qui demeurèrent se retirèrent bientôt deux à deux dedans les chambres : Francion fut avec Laurette, Raymond fut avec Hélène, et les autres avec celles qui leur plaisaient davantage. Je n’entreprends pas ici de raconter leurs plaisirs infinis ; ce serait un dessein dont je ne verrais jamais l’accomplissement.

Le lendemain et les six jours suivants, ils se donnèrent tout le bon temps que l’on se peut imaginer. Francion ayant regardé, en un instant qu’il s’était séparé de Laurette, le portrait de Naïs qu’il avait toujours eu dans sa pochette, se souvint de s’enquérir de Dorini où il avait fait une si belle acquisition, et si ce visage parfait était une fantaisie de peintre ou une imitation de quelque ouvrage de nature. Dorini lui apprit que c’était le portrait d’une des plus belles dames de l’Italie, qui était encore vivante, et poursuivit ainsi son propos :

— Il y a sur les confins de la Roumanie[1], une jeune merveille appelée Naïs, veuve depuis un an d’un brave duc qui n’a été que dix mois en mariage avec elle. Vous pouvez bien croire que ses perfections et ses richesses ne la laissent pas manquer de serviteurs. Elle en a acquis un si grand nombre, que l’on peut dire qu’elle en a à revendre, à prêter et à donner. Pas un de tous ceux qui la courtisent n’ont su encore obtenir d’elle aucune faveur remar-

  1. ndws : Romagne, province d’Italie, entre le duché de Ferrare et la Toscane, ville principale, Ravenne. Cf. éd. Roy, t. III. p. 32.