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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/407

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quable. Entre tous les Italiens, il n’y avait que son défunt qu’elle pût aimer. Son inclination la porte à chérir les Français ; si bien qu’ayant vu le portrait d’un jeune seigneur de ce pays-ci, nommé Floriandre, qui avait les traits du visage fort beaux, elle eut pour lui toute la passion qu’elle eût su avoir si elle eût vu sa vraie personne ; parce que même l’on lui avait fait un ample récit de sa vertu, de sa belle humeur et de toutes les gentillesses de son âme. Pour trouver du remède en son mal, elle me le découvrit librement, comme à son bon parent et ami. Je lui donnai bon courage et bonne espérance, et, suivant mon conseil, elle se fit peindre au tableau que vous avez, afin de le faire porter à son amant, pour le convier à la rechercher en mariage. Il y avait longtemps que j’avais envie de voir ce royaume-ci : voilà pourquoi je m’offris librement à la servir en cette affaire, où personne ne la pouvait mieux secourir que moi. Dès que j’ai été arrivé à la cour, je m’y suis donné la connaissance de mon homme, que j’ai trouvé d’une humeur fort bénigne et fort sujette à l’amour, ce qui m’assura que je gagnerais aisément sa bonne volonté pour Naïs. Je m’étais délibéré de lui conter ses richesses et la noblesse de sa race, après lui avoir montré sa beauté, et lui dire l’extrême affection qu’elle avait conçue pour lui, malgré leur grand éloignement. Mais je changeai un peu de dessein, voyant qu’il lui prit une certaine petite indisposition pour laquelle les médecins lui conseillaient de s’en aller boire de certaines eaux qui sont en un village sur le tiers du chemin de notre pays. Je mandai à ma parente qu’elle cherchât la commodité de s’y en venir, parce qu’elle