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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/411

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Raymond commanda à son cocher d’atteler six chevaux à son carrosse et de la ramener promptement chez elle avec Agathe, si bien que, quand Valentin y fut de retour, il l’y trouva sans avoir rencontré le carrosse en chemin, parce qu’en s’en retournant il prenait une autre voie. La belle s’était mise au lit et feignait d’être malade. Dès qu’il lui eût dit qu’il y avait trois jours qu’il était sorti de la maison pour l’aller chercher, elle lui assura qu’il y en avait plus de deux qu’elle était revenue ; de sorte qu’il apaisa sa colère et crut qu’il ne l’avait point vue au château de Raymond.

Tandis Francion songea à se préparer à la départie. Après avoir témoigné le regret qu’il avait de ce qu’il fallait qu’il fût quelque temps séparé de Raymond, il prit le lendemain congé de lui dès le matin, et s’en alla avec tous ses gens.

Lorsqu’il arrivait aux hôtelleries, il n’avait point d’autre entretien que de contempler le portrait de celle qui était cause de son voyage. Quelquefois même, étant sur les champs, il le tirait de sa pochette et, en cheminant, ne laissait pas de le regarder. À toutes heures il lui rendait hommage et lui faisait sacrifice d’un nombre infini de soupirs et de larmes. Les deux premiers jours, il ne lui arriva aucune aventure ; mais le second, il lui en arriva une qui mérite bien d’être récitée.

Sur le midi, il se rencontra dans un certain village, où il se résolut de prendre son repas. Il entre dans la meilleure taverne et, cependant que l’on met ses chevaux à l’écurie, il va regarder à la cuisine ce qu’il y a de bon à manger. Il la trouve assez bien garnie de ce qui pouvait