Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386

assouvir sa faim, mais il n’y voit personne à qui il puisse parler ; seulement il entend quelque bruit que l’on fait à la chambre de dessus et, pour savoir ce que c’est, il y monte incontinent. La porte lui étant ouverte, il vit un homme sur un lit, n’ayant le corps couvert que d’un drap, lequel disait beaucoup d’injures à une femme qui était assise plus loin dessus un coffre. Sa colère était si grande, qu’à l’instant même il se leva tout nu comme il était, pour l’aller frapper d’un bâton qu’il avait pris auprès de soi. Francion, qui ne savait point si la cause de son courroux était juste, l’arrête et le contraint de se remettre au lit :



— Ha ! monsieur, lui dit-il, donnez-moi du secours contre mes ennemis : j’ai une femme pire qu’un dragon, laquelle est si vilaine, qu’elle ose bien s’adonner à ses saletés devant mes yeux.

— Monsieur, dit la femme à Francion, sortons d’ici vitement, je vous prie ; j’ai si grand’peur, que je n’y saurais plus demeurer. Ce n’est point mon mari qui parle, c’est quelque malin esprit qui est entré dans son corps au lieu de son âme, qui en est sortie il y a plus de six heures.

— Ha ! dit le mari, vit-on jamais une plus grande méchanceté ? Elle veut faire accroire que je suis mort afin d’avoir mon bien et de se donner du bon temps avec son ribaud.

Alors il sortit d’une chambre voisine un jeune homme d’assez bonne façon et une femme déjà chenue, qui dirent tout résolument que le tavernier était mort, et qu’il le fallait ensevelir.

— Comment ! ruffien, dit-il au jeune homme, tu es