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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/418

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avec lui. Toute la nuit, il fallait que je lui tirasse son bout comme je fais de celui de ma vache ; et j’avais beau le brandiller en toutes façons, je n’en pouvais faire ressusciter la chair. Je pense que cette partie-là était entièrement morte et qu’elle avait été frappée de foudre. — Consolez-vous donc, lui a reparti sa compagne, voilà votre mari qui vous rendra désormais la plus contente du monde. » Là-dessus, parce que tous les rideaux de ce lit-ci étaient tirés et que l’on ne me pouvait voir, j’ai un peu haussé la tête et, par une petite ouverture qui était aux pieds, j’ai vu que le galant embrassait ma femme et la baisait. L’effort que je faisais en m’étendant ainsi a donné la sortie à un furieux pet de maçon[1], qui les a tous étonnés. « Mon Dieu, il n’est pas mort, ç’a dit ma femme ; le voilà qui pète. — Vous êtes bien sotte, a répondu sa commère ; pensez-vous que les personnes mortes ne puissent péter ? Les choses qui n’ont jamais eu d’âmes pètent bien ; ne sort-il pas toujours quelque bruit de tout ce qui s’éclate tant soit peu ? Possible est-ce quelqu’un de ses os qui s’est disjoint, ou bien c’était un vent qui était encore dans son corps et, ne trouvant pas le conduit tout ouvert, n’a pu sortir qu’avec violence. D’ailleurs, nous avons aussi sujet de croire que son corps, étant pesant comme il est, a fait craqueter cette couchette, qui est de bois fort tendre. — Ha ! le vilain ! disait ma femme, c’était toute sa délectation que de péter durant sa vie ; pensez qu’il s’y plaît encore après sa mort. Il avait le vent si à commandement, et le faisait si bien souffler à sa fantaisie, que c’était dommage qu’il ne s’était fait nautonier. Le plus souvent il ga-

  1. ndws : pet de maçon, qui porte son mortier, item, pet de boulanger, cf. Oudin, op. cit., p. 413.