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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/419

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geait de faire des pétarades en certain nombre et les jetait comme un tonnerre sans y manquer d’une seule ; c’était là son jeu ordinaire dans les compagnies, car il y gagnait toujours beaucoup d’argent. Mais, ma bonne amie, que je ne le voie plus ; il le faut enterrer plus tôt que plus tard. Çà, mettons-nous en besogne, nous gagnerons cinq ou six quarterons d’indulgences. Voici une aiguille et du fil.

« Ayant dit cela, elle a tiré le rideau ; et, comme elle se penchait pour me regarder, étant saison de jouer mon jeu puisque j’avais reconnu le peu d’estime qu’elle faisait de moi, j’ai levé mon bras et lui ai appliqué fermement ma main sur sa joue, si bien qu’elle a eu une excessive frayeur. « Je ne suis pas mort encore, coquine, lui ai-je dit ; et, si Dieu plaît, je te mettrai quelque jour en terre, quand ce ne serait qu’à cause que tu désires malicieusement que je sorte de ce monde. Le ciel, pour te faire enrager et te punir, permettra que j’y demeure longtemps. »

« Alors ils se sont tous trois mis autour de moi ; ne voulant pas croire que je fusse vivant, parce qu’ils ne désiraient pas que je le fusse, ils n’ont pas laissé d’essayer de m’ensevelir dans ce drap. J’ai résisté tant que j’ai pu, criant au meurtre et à l’aide, et leur disant que je n’étais point mort. Je pense qu’ils avaient envie de m’étrangler et de m’étouffer, et qu’ils l’eussent fait, si de votre grâce vous ne fussiez venu à ma rescousse, étant je crois appelé par mes cris. Or, monsieur, je vous supplie de m’assister, voyant la justice de ma cause, et d’empêcher que l’on me persécute, comme l’on a fait auparavant