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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/421

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preuves de sa vaillance ; mais sa femme faisait la honteuse et disait qu’elle mourrait plutôt que d’endurer que l’on lui fît une si vilaine chose devant les gens.

— Hé quoi ! dit Francion, sait-on pas bien que vous le faites ? Le pensez-vous celer ? À quoi cela vous peut-il servir ? Quand je vous l’aurais vu faire et que je serais le plus grand bavard de la terre, je ne saurais dire autre chose, sinon que vous l’avez fait. Cela n’est pas nouveau. Dès maintenant ne le puis-je pas dire, puisque c’est la vérité ?

Nonobstant cette raison, elle demeura en son opiniâtreté première, et Francion poursuivit ainsi :

— Pardieu, vous le ferez ; je ne m’en irai point d’ici autrement. Si vous ne voulez vous laisser chevaucher de bon gré, je commanderai à tous mes gens de vous tenir les uns par les pieds, les autres par les bras ; tandis Robin accomplira son désir.

Ayant dit cela, il la prit lui-même et la jeta sur un lit, puis il commanda à Robin de commencer la besogne. Il se montra fort prompt à obéir, après que le chevalier eut chassé ses serviteurs et fut demeuré tout seul dans la chambre.

— Faites un peu de trêve, dit Francion, que je voie la longueur, la grosseur et la roideur de votre lance, auparavant que vous entriez en bataille, où elle sera réduite en mauvais point.

Robin fait suspension d’armes et Francion, ayant à loisir considéré celles dont il était fourni, jura qu’il ne s’en trouverait guère d’aussi bonnes et que sa femme ne pouvait pas dire que l’on lui mettait en tête un ennemi