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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/425

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n’ont un père qui fît quelque chose pour leur avancement. La fille est fort belle et ne manque pas d’attraits pour s’acquérir des amants ; mais que lui sert cela ? Pas un n’a la puissance de l’aborder pour lui conter son martyre ; elle est toujours auprès de sa mère qui ne veut pas qu’elle aille aux grandes compagnies, d’autant qu’il coûterait trop à la vêtir richement. Qui plus est, le seigneur du Buisson (c’est le nom du père) a si peur de débourser de l’argent, qu’il ne veut point ouïr parler de la marier. Le fils est captif tout de même, autant de gré que de force, à cause qu’il ne désire pas sortir et fréquenter les jeunes gens de sa sorte, n’ayant pas un grand train pour paraître, ni de l’argent pour fournir au jeu et à la débauche. Dernièrement aussi il joua d’un bon trait à son raquedenazewkt de père, qui était tombé malade, et ne pouvait aller à la ville porter beaucoup d’argent qu’il devait à un marchand, par qui tous les jours il était chicané. Il fut contraint de lui en donner la charge à son grand regret, car à peine se fie-t-il à lui-même de ses biens. Le drôle, tenté par ce profitable métal qu’il maniait si peu souvent, se délibéra de le retenir pour soi. Au lieu de le porter où l’on lui avait commandé, il l’enterra emmiwkt les champs, s’en alla vendre son cheval et son manteau, puis s’en va vers son père lui dire qu’il avait rencontré des voleurs qui lui avaient dérobé son argent, son manteau et l’avaient démonté. Vous pouvez penser quelle fâcherie en eut du Buisson ; il ne savait à qui s’en prendre, enfin sa rage le porta à jeter toute la faute sur son fils et à le battre très bien après lui avoir dit que c’était un coquin, qu’il était parti trop tard et qu’il n’avait pas pris