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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/426

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chemin ordinaire où il eût pu rencontrer quelqu’un qui l’eût secouru. Il donne charge au prévôt des maréchaux de s’enquérir des personnes qui l’avaient volé. Un archer, sachant de quel poil et de quelle taille était son cheval, fit telle diligence qu’il le trouva et le reconnut dans une certaine ville proche d’ici, comme l’on le menait boire. Il le suivit jusqu’à un logis où il demanda au maître qui le lui avait vendu. Cet homme répondit que c’était une personne dont il ne savait pas le nom ni la qualité, mais que s’il le rencontrait, il le reconnaîtrait fort bien. De mauvaise fortune, le jeune homme vint à passer par là, et le bourgeois dit incontinent à l’archer : — Le voilà sans doute, mettez les mains dessus lui. — Gardez-vous bien de vous tromper, dit l’archer ; car c’est le fils de celui qui a perdu le cheval. — C’est assurément lui qui me l’a vendu, repartit l’autre. » L’archer se contenta de savoir ceci et l’alla redire à du Buisson, qui confronta le bourgeois à son fils. Il fut incontinent convaincu, et craignant la fureur de son père, sortit secrètement du château, puis s’en alla, pensez, querir son argent, avec lequel il s’est si bien éloigné d’ici que l’on ne l’y a point vu depuis. À la fin il faudra bien qu’il revienne, quand ce ne serait que pour recueillir sa part de la succession du vieux avare, qui ne se gardera pas de mourir pour ses richesses. Ce qui vient de la flûte s’en retourne au tambour[1]. Les biens mal acquis seront quelque jour infailliblement très mal dépensés. Quand le jeune homme les aura en possession, il ne faut pas demander quel dégât il en fera ; par là l’on pourra connaître quel profit et quel plaisir il y a à mettre en un tas beaucoup d’écus,

  1. ndws : ce qui est mal acquis se dissipe, cf. Oudin, op. cit., p. 227.