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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/427

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que l’on laisse à l’abandon lorsque l’on y pense le moins. Pour moi, je ne sais, lequel je dois blâmer, du père ou du fils ; tous deux ont manqué à leur devoir ; mais je ne puis nier que je ne connaisse bien que la faute vient premièrement du père, qui par sa chicheté a comme forcé son fils à lui ravir ce qu’il ne lui a pas voulu bailler de bon gré. Sans doute la divinité a permis qu’il ait eu un enfant du naturel qu’il en a un, pour le punir de son avarice.

— Cela peut bien être, dit Francion, et je pense que le ciel m’a mis en terre pour l’en punir aussi. Je vous jure que je ne m’y épargnerai pas, ou mon esprit sera stérile en inventions. Dites-moi seulement, si vous avez beaucoup de connaissance de lui.

— Oui, monsieur, répondit l’autre, car je demeure dans une ferme à une lieue de son château, si bien que j’ai appris toute sa généalogie et toutes ses façons de faire, d’un certain garçon qui l’a servi, lequel vient fort souvent chez moi.

— Contez-moi donc tout, sans rien oublier, repartit Francion ; et sur cela celui qui l’accompagnait dit ce qu’il en avait ouï. En après Francion continua de cette sorte :

— Je lui en donnerai tout du long de l’aune, cela vaut fait : n’est-il pas ambitieux pour comble de tous ses autres vices ? N’est-il pas fort aise que l’on croie qu’il est des plus nobles et des mieux apparentés ?

— Vous touchez au but, répondit l’autre ; quand vous auriez mangé un minot de sel avec lui, vous ne le connaîtriez pas mieux que vous faites. Il veut à toute force que l’on l’estime gentilhomme, et il a bien baillé des coups