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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/431

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revenant incontinent, les empêchèrent de passer plus outre et, ayant fermé la porte sur eux, dirent qu’ils étaient à leur miséricorde et qu’il ne tenait qu’à eux qu’ils ne les tuassent. Les pauvres gigots de justice crièrent merci à Francion et à du Buisson, leur remontrant qu’ils n’avaient voulu faire que ce que l’on leur avait ordonné.

— Vous êtes des coquins qui n’entendez pas votre métier, repartit Francion, je vous le veux apprendre. Un sergent bien avisé devait-il parler avec des mots de l’art, comme vous avez fait devant les amis de celui que vous désiriez attraper ? Ne considériez-vous pas que cela était suffisant de vous faire reconnaître ? Ce n’a été que pour ce sujet que vous avez failli maintenant à votre entreprise ; de quoi je suis très aise pour le bien de ce galant gentilhomme. Mais, or çà, apprenez-moi à la requête de qui c’est que vous vouliez le rendre prisonnier.

— D’un marchand de cette ville, monsieur, dit l’un.

— Ah ! Je le connais bien, dit du Buisson ; c’est un affronteur : il me vendait de méchantes étoffes fort cher et me faisait trouver un homme qui me les rachetait à vil prix de son argent même. Je m’en vais gager qu’il faisait si bien que tout retournait à sa boutique. Je ne m’en souciais point, pourvu que j’eusse l’argent dont j’avais affaire, et ne songeais point à l’avenir. Il y a toujours eu presse à me prêter, d’autant que l’on se fie sur les grandes richesses de mon père.

Francion, ayant dit un mot à l’oreille de du Buisson, commanda à un valet de la taverne d’aller au logis du marchand, lui dire, de la part des sergents, que le jeune