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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/433

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dire à leurs femmes qu’il faut qu’elles les viennent requérir. Pour cet homme-ci, poursuivit-il, en parlant du marchand, je prendrai bien la peine de le ramener tantôt moi-même.

Ayant dit cela, il commanda à un de ses valets d’aller querir les femmes des sergents. L’on fut tout étonné que l’on les vit peu de temps après, et certainement elles firent une belle vie ; elles dirent une infinité d’injures à leurs maris en les ramenant ; et ce qui les faisait enrager c’était qu’elles ne pouvaient tirer d’eux aucune parole raisonnable. Quant au marchand, lorsqu’il fut à sa maison, la sienne lui demandant s’il avait reçu l’argent que l’on lui devait, n’étant pas si assoupi que les autres, il eut bien le sentiment de lui dire qu’elle avait envie de s’en faire brave, et, prenant un bâton, la chargea en diable et demi. Néanmoins il ne songeait point s’il avait reçu l’argent ou non, et ne s’apercevait point du larcin de ses papiers.

Le lendemain, reconnaissant sa perte, il courut en fougue à la taverne, mais il n’y trouva plus les hôtes du soir précédent : ils étaient délogés de bon matin, prévoyant ce qui devait advenir. Si bien qu’il apprit à ses dépens à ne plus tromper la jeunesse et à ne lui plus rien prêter pour employer en ces inutiles débauches.

Tandis Francion, étant aux champs, s’enquit de du Buisson quel chemin il avait envie de prendre.

— Un autre que celui que vous prenez, répondit-il, parce que vous allez vers le château de mon père, devant lequel je n’oserais me présenter. Je lui pris de l’argent, que je viens de manger à la cour, et m’en vais maintenant