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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/54

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une grille entre deux. Et puis vous aimeriez mieux le manier que le regarder.

— Merci Dieu, lui dit la femme en se courrouçant ; si tu m’échauffes une fois les oreilles, je manierai le tien de telle façon, que je te l’arracherai et le jetterai aux chiens.

— Et adieu, lui repartit-il par gausserie en s’enfuyant, vous êtes trop mauvaise ; vous ne m’y tenez pas, je m’en vais trousser mes quilles.

Ainsi plusieurs autres lardèrent les femmes de brocards en plus d’endroits que le plus savant cuisinier de Paris ne larderait une longe de veau ; mais je vous assure qu’elles en rendirent bien le change. Au moins, si elles ne jetèrent des traits aussi piquants, elles dirent tant de paroles et tant d’injures, et se mirent à crier si haut toutes ensemble, que les ayant étourdis, elles les contraignirent d’abandonner le champ de bataille, comme s’ils se fussent confessés vaincus.

Quelques villageois, s’éloignant du reste de la troupe, s’en allèrent à cette heure-là près du clos où était Valentin, qu’ils ouïrent crier à haute voix. Ils s’approchèrent du lieu où ils l’avaient entendu, ne croyant pas que ce fût lui, et furent infiniment étonnés de voir cet épouvantail couvert d’habillements extraordinaires, attaché à un arbre. En se tempêtant la nuit, son capuchon lui était tombé sur les yeux, de telle sorte qu’il ne voyait goutte et ne savait s’il était déjà jour. Au défaut de ses mains, il avait fort secoué la tête pour le rejeter en arrière, mais toute la peine qu’il y avait prise avait été inutile. Il ne voyait point les paysans et oyait seulement le