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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/56

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couché chez vous cette nuit ? Vous ont-ils porté en ce lieu-ci sans que vous en ayez senti quelque chose ? Ne sont-ce point des hommes mêmes qui vous ont accommodé de la sorte ?

Valentin ne dit plus mot alors, parce qu’il songea que celui qui parlait à lui pouvait être un démon qui avait pris une voix pareille à celle de son curé pour le tromper ; car il avait lu que les mauvais esprits se transforment bien quelquefois en anges de lumière. Cela fit qu’il recommença ses conjurations et qu’il dit à la fin :

— Je ne veux point parler à toi, prince des ténèbres ; je te reconnais bien ; tu n’es pas mon curé, dont tu imites la parole.

— Je vous montrerai bien qui je suis, dit le curé en lui ôtant le capuchon. Hé quoi, Valentin, avez-vous perdu le jugement, pour croire que tous ceux qui parlent à vous sont des esprits ? Pourquoi vous forgez-vous ces imaginations ?

Valentin, jouissant de la clarté du jour, reconnut que tous ceux qui étaient autour de lui étaient de son village, et perdit tout à fait les mauvaises opinions qu’il avait conçues, quand il vit qu’ils se mettaient à le délier.

Le curé voulut savoir de lui par quel moyen il avait été mis là. Il fut contraint de raconter les enchantements que lui avait appris Francion, et de dire aussi pour quel sujet il les avait voulu entreprendre. Quelques mauvais garçons, en ayant entendu l’histoire, s’en allèrent la publier partout à son infâmie ; si bien qu’encore aujourd’hui l’on s’en souvient, et, lorsqu’il y a quelqu’un qui