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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/58

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l’empireraient plutôt en parlant que de l’amender. L’on eut beau dire à Catherine par plusieurs fois : « Pour quelle occasion est-ce qu’étant garçon vous avez pris l’habit de fille ? » Jamais l’on n’en put tirer de raison. Laurette, étant descendue, fit l’étonnée au récit de cette aventure et, s’étant retirée petit à petit à la cour pendant que tout le monde était à la salle, s’en alla trouver celui qui avait passé la nuit avec elle et, lui ayant derechef dit adieu, le fit déloger promptement.

Le juge du lieu, arrivé là-dessus, ne désirant pas qu’une telle chose se passât sans qu’il en fît son profit, voulut persuader à Valentin qu’il fallait faire des informations ; que le dessein de Catherine et de son camarade ne pouvait être bon, et qu’ils avaient entrepris de voler son bien ou son honneur. Mais Valentin, qui savait bien ce que c’était que de passer entre les mains ravissantes de la justice, ne voulut faire aucune instance, pour ce qu’il ne trouvait point de manque à son bien. Tout ce qu’il désirait était de savoir par quel accident ces personnes-là avaient été attachées à sa fenêtre. Quant au procureur fiscal, il ne voulut point faire de poursuite, d’autant qu’il voyait bien qu’il n’y avait rien à gagner ; et puis les parties ne parlaient point, et, si plus, ne pouvait trouver de preuves contre elles.

Après que la messe fut dite, l’on leur donna congé de s’en aller où ils voudraient ; et je vous assure que, deux ou trois lieues durant, ils furent poursuivis par tant de gens, et qui leur firent souffrir tant de martyre, qu’il n’est point de punition plus rigoureuse que celle qu’ils eurent.