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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/59

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Francion était cependant à l’hôtellerie, où, son homme lui ayant fait le récit de tout ce qui s’était passé au village, il se prit à rire de si bon cœur, que la douleur de ses esprits fut apaisée par son excès de joie ; néanmoins son jugement ne put avoir de lumière parmi l’aventure, encore qu’il se souvint des propos que Catherine lui avait tenus. Ce qui lui bailla le plus de contentement fut le récit de l’état où le curé avait rencontré Valentin.

Son chirurgien vint le visiter comme l’on lui allait donner à dîner ; et, voyant que l’on lui apportait du vin, il dit qu’il ne fallait pas qu’il en bût, à cause que cela ferait mal à sa tête. Francion, ayant ouï cet avis si rigoureux, dit :

— Ho, monsieur, ne me privez point de ce divin breuvage, je vous en prie, c’est lui qui est le seul soutien de mon corps ; toutes les viandes ne sont rien au prix. J’ai connu un jeune gentilhomme qui avait mal aux jambes ; l’on lui défendait le vin (comme vous me faites) de peur d’empirer sa douleur ; savez-vous ce qu’il faisait ? Il se couchait tout au contraire des autres, et mettait ses pieds au chevet afin que les fumées de Bacchus descendissent à sa tête. Quant à moi, qui suis blessé en l’autre extrémité, je suis d’avis de me lever du lit et me tenir droit, à cette fin que, voyant que le vin que je boirai descendra à mes pieds plutôt que de monter à ma tête, vous ne soyez pas si sévère de me l’interdire.

De fait, Francion, ayant dit ces paroles, demanda ses chausses à son valet pour se lever. Le chirurgien, lui voulant montrer son savoir, essaya de lui prouver que