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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/63

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— Cela ne m’empêchera pas de boire à sa santé avec ce verre d’eau que je m’en vais aussi emprisonner, répliqua Francion.

Puis il changea de discours et acheva de prendre son repas. Comme il se levait de table, plusieurs habitants arrivèrent à l’hôtellerie, poussés de curiosité de le voir. Ils demandaient tous : « Où est le pèlerin, où est le pèlerin ? » à si haute voix qu’il l’entendit distinctement. Incontinent il fit fermer la porte avec les verrous, et, quoique ces gens-là heurtassent, disant tantôt qu’ils avaient affaire d’un coffre qui était dedans la chambre, tantôt qu’ils voulaient parler au chirurgien, ils ne purent obtenir que l’on leur ouvrît l’huis. À la fin ils jurèrent tant de fois qu’il y avait un homme de blessé dans le village, qui se mourait à faute d’un prompt remède, qu’il fallut faire sortir le chirurgien ; mais, comme ils pensaient entrer dans la chambre, Francion et son valet se présentèrent à l’entrée avec les pistolets à la main, protestant qu’ils les tireraient contre ceux qui seraient si téméraires que d’approcher.

Les paysans, qui n’avaient pas coutume de se jouer avec de pareilles flûtes, demeurèrent tout penauds et, s’en retournant, laissèrent refermer la porte. Il en revint encore d’autres en plus grand nombre, qui perdirent leur peine non plus ni moins que les premiers. Francion, à qui leurs importunités déplaisaient infiniment, se résolut de s’en délivrer le plus tôt qu’il pourrait. Ayant appelé son hôte, il le paya de ses écots, lui communiqua son dessein, et le pria d’atteler une petite charrette qu’il avait, pour le faire conduire à un bourg où il serait moins