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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/66

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repas qui ne leur chargeait pas beaucoup l’estomac ils demandèrent où ils pourraient coucher.

— Je n’ai que deux lits dedans ma chambre haute, dit le tavernier ; encore sont-ils occupés.

— Les deux hommes qui sont venus avec moi se coucheront dedans l’écurie ou autre part, dit Francion. Mais, pour moi, il faut que je sois sur un lit ; je vous le payerai plutôt au double.

— Monsieur, dit l’hôte, il y a là-haut un gentilhomme couché tout seul ; je m’en vais m’enquérir de lui s’il voudrait bien vous faire place à l’un de ses côtés.

Ayant dit ceci, il monta à la chambre, dont il revint avec une fort bonne réponse pour Francion, qui incontinent alla trouver le lit, où l’on consentait qu’il prît son repos.

— Monsieur, dit-il à ce gentilhomme qu’il y vit couché, si je ne me portais point mal, la nécessité ne me forcerait pas à vous incommoder comme je vais faire ; je m’en irais plutôt passer la nuit volontiers, couché tout à plat sur un lit qui ne pourrait branler si tout l’univers était en mouvement, et où je n’aurais pour rideaux que les cieux. Ce qui me fait mettre ici, toutefois, perdra tout à fait la puissance qu’il a eue à me persuader de m’y tenir, si je connais que vous ne m’y souffriez pas de fort bon cœur.

— Monsieur, répondit le gentilhomme, ne dites point que je recevrai de l’incommodité, il est impossible que vous m’en apportiez ; et néanmoins je serais prêt à en endurer, s’il ne tenait qu’à cela pour vous rendre du service. Je sortirais même d’ici et vous y laisserais tout