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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/67

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seul pour vous donner le moyen d’y dormir plus à requoi[1] si je ne considérais que vous penseriez que je le ferais par dédain.

Une courtoisie si remarquable que celle de ce gentilhomme ne fut pas mal reconnue par Francion, qui se servit des termes les plus affables qu’il pût inventer pour le remercier ainsi qu’il le méritait.

Comme il fut couché, le gentilhomme lui fit savoir que sa bonne mine, qu’il avait remarquée, où il éclatait je ne sais quoi de noble et de non vulgaire, était un charme qui l’avait invité à lui faire un nombre infini d’offres de son service. Francion, qui portait un nom qui lui était véritablement dû pour sa franchise accoutumée, lui répondit sans feintise qu’il lui rendait grâce de la bonne volonté qu’il avait pour lui ; mais qu’encore qu’il y allât de son intérêt, il ne trouvait pas bon qu’il fondât un jugement sur de bien faibles apparences qui sont ordinairement trompeuses, plus que l’on ne saurait dire, ce qu’il devait se figurer que souventes fois l’on trouve, par la communication, qu’une méchante âme loge dessous un beau corps de qui l’on a été déçu.

— Je sais bien que je ne me trompe point, dit le gentilhomme, et que tant plus je vous fréquenterai, tant plus je reconnaîtrai la vérité de ce que les teints de votre visage m’ont dit. Je tiens que les règles de physionomie ne sont point menteuses. Selon ce qu’elles m’enseignent, je vois beaucoup de bonnes choses en votre personne ; et puis j’ai vu un jeune gentilhomme qui vous ressemblait naïvement bien, lequel était le plus estimable que j’aie jamais pratiqué. Toutes ces choses

  1. ndws : d’une manière douce, paisible. Cf. Furetière, éd. 1690, t. 2, vue 426.