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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/73

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J’arrivai, il y a cinq jours, au village où est Valentin, ayant pris l’habit de pèlerin à un bourg proche d’ici où je laissai tous mes gens, excepté le valet que vous avez vu tantôt.

Je fis accroire à tout le monde que je venais du pèlerinage de Notre-Dame de Montserrat ; mais j’étais un grand trompeur, car j’allais à celui de Lorette. Les femmes me demandaient des chapelets et des Agnus Dei ; je leur en donnais de beaux, dont je n’avais pas manqué à me garnir. J’allais jusques au château, où je trouvai Valentin qui me reçut courtoisement et prit, avec des remerciements fort honnêtes, un de ces chapelets que je lui présentai. Je lui demandai la permission d’en bailler un autre à madame sa femme ; il me l’accorda librement, de sorte que je lui en portai un en sa présence. D’autant que l’heure de dîner était venue, il me pria de prendre mon repas chez lui ; je n’en fis pas grande difficulté, car j’avais peur qu’il ne cessât de m’en supplier avec une si grande instance, et rien ne m’était tant à désirer que de demeurer en sa maison. Il fut soigneux de s’enquérir de ma patrie et de la condition de mes parents ; je lui forgeai là-dessus des bourdes non pareilles.

Les discours que je lui tins après ne furent que de foi, de pénitence et de miracles ; si bien qu’il me prenait déjà pour un petit saint qui aurait quelque jour place dedans le calendrier. Cette bonne opinion fit qu’il ne feignit point de me laisser seul avec sa femme, pendant qu’il s’allait occuper à quelque affaire domestique. Soudain je m’approchai de Laurette, qui ne pouvait croire