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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/81

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qu’elle n’eut pas sitôt vu, qu’elle ne fut plus en peine de chercher qui c’était ; car elle se l’imagina incontinent.

Les pensées qu’il y avait si longtemps que Francion avait toujours eues de Laurette agitaient encore son esprit à l’heure, en un songe si turbulent, qu’après avoir proféré trois ou quatre paroles mal arrangées il se jeta hors du lit. La vieille, tout éperdue, se retira à côté dessus une chaire, posant son chandelier sur un coffre d’auprès. Francion, s’étant tourné d’un côté et d’autre se jette sur elle en disant :

— Ha ! ma belle Laurette, je vous tiens à ce coup ; il est impossible que vous m’échappiez.

Le gentilhomme, qui s’était réveillé au bruit que la vieille avait fait pour allumer sa chandelle et qui n’avait pas pourtant voulu parler encore, se prit tellement à rire, que tout son lit en tremblait aussi fort que si l’on eût fait dessus le doux exercice que la Nature a inventé pour croître le monde. Quant est de la vieille, elle embrassa Francion aussi étroitement qu’il l’embrassait, et, pour répondre à ses caresses, le baisa de bon courage, étant bien aise de trouver une occasion qui ne s’était guère offerte à elle depuis la perte du pucelage de Vénus, à la naissance de laquelle, je pense, tant elle avait d’âge, que la pointe de ses attraits était déjà tout émoussée.

Mais le compagnon de lit de Francion la priva d’un si cher contentement ; car il tira son gentil baiseur par le devant de sa chemise, mettant en évidence la plus aimable pièce de son corps, qui avait frôlé contre le ventre de cette vieille et lui avait causé un plaisir nonpareil ; et puis après il le fit remettre au lit.