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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/82

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— Comment, monsieur, lui dit-il, votre Laurette ressemble à la même laideur, ou vous ne la connaissez guère bien, puisque vous prenez cette femme-ci pour elle ?

— Ha, mon Dieu, répondit-il en se frottant les yeux, laissez-moi dormir ; que me voulez-vous dire ?

— Levez la tête, ajouta l’autre, et regardez qui est celle que vous avez embrassé.

— Comment ? qu’ai-je embrassé ? dit Francion en s’éveillant en sursaut.

— Hé, comment ! Vous ne vous souvenez point de m’avoir tenue si longtemps entre vos bras ? » dit la vieille en souriant, et montrant deux dents qui étaient demeurées en sa bouche, comme les créneaux d’une vieille tour que l’on a battue en ruine. « Oui, il est vrai, et si vous m’avez baisée et tout ».

Francion, l’ayant regardée autant que ses yeux chargés et assoupis le lui pouvaient permettre, lui répondit :

— Ne te glorifie point de ce que j’ai fait ; car apprends que je prenais ta bouche pour un retrait des plus sales, et qu’ayant envie de vomir j’ai voulu m’en approcher, afin de ne gâter rien en cette chambre et de ne jeter mes ordures qu’en un lieu dont l’on ne peut accroître l’extrême infection. J’y eusse, possible, après, déchargé mes excréments en te tournant le derrière, et, si j’ai touché à ton corps, c’est que je le prenais pour quelque vieille peau de parchemin que je trouvais bonne à torcher un trou où ton nez ne mérite pas de flairer. Ha, monsieur, dit-il en se tournant vers le gentilhomme, vous me voulez donc persuader que j’ai caressé cette guenuchewkt embéguinée ? Ne connaissez-vous pas qu’elle n’a rien qui ne soit capa-