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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/83

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ble d’amortir l’affection et de ressusciter la haine ? Ses cheveux serviraient plutôt aux démons pour entraîner les âmes chez Pluton qu’à l’amour pour les conduire sous ses lois. Si elle subsiste encore au monde, c’est que l’on ne veut point d’elle en enfer, et que les tyrans qui y règnent ont peur qu’elle ne soit la furie des furies mêmes.

— Apaisez-vous, dit le gentilhomme, vous ne recevez point de honte à l’avoir embrassée ; ses yeux, qui luisent davantage que les ardents que l’on voit la nuit auprès des rivières, vous ont attiré dedans ce précipice. La chassie qu’ils jettent est si gluante, qu’elle peut servir d’excuse à votre désir, s’il s’y est arrêté.

Alors la vieille, tenant sa chandelle à la main, s’approcha du lit et dit à Francion :

— Si vous aviez considéré que je suis votre bonne amie Agathe, qui vous a fait toujours plaisir à Paris, vous ne me diriez pas tant d’injures.

— Ha, c’est donc vous, répondit Francion en faisant l’étonné ; je vous connais. Il n’y a pas un mois que je suis guéri du mal que vous me fîtes gagner chez Janeton.

— Quand cela serait, dit Agathe, vous ne m’en deviez point imputer de faute ; aussi vrai que voilà la chandelle de Dieu, la petite effrontée m’avait juré qu’elle était plus nette qu’une perle d’or riant.

— Vous vouliez dire d’Orient, interrompit le gentilhomme.

— Il n’importe comment je parle pourvu que l’on m’entende, répond Agathe.

Ce discours cessé, le gentilhomme pria Francion de dire quelle rêverie il avait eue quand il s’était levé, pen-