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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/85

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— Vous aimez une malicieuse femme, lui dit-elle ; je m’assure qu’elle n’aurait point de regret à vous voir noyé, pourvu qu’elle eût vos habits : elle ne fait rien que pour le profit.

— Je le crois bien, dit Francion ; car, m’ayant ouï dire que j’avais une fort belle émeraude, elle me la demanda, et, dès que je lui eus promis de la lui donner, elle me fit meilleur visage qu’auparavant.

— Je vous ai entendu cette nuit conter votre histoire, ajouta Agathe. Vous dites qu’une servante vous fit choir du haut en bas d’une échelle ; c’était sans doute sa maîtresse qui lui avait commandé d’en faire ainsi, et par aventure lui aidait-elle, la mauvaise. Ne connaissiez-vous pas bien que l’impossibilité qu’elle disait être à l’aller voir n’était qu’une chimère ? Elle vous eût bien fait entrer dans le château autrement que par une fenêtre, si elle n’eût voulu mettre un plus grand prix à ses denrées par cette difficulté-là.

— Le pont-levis était haussé, dit Francion ; je ne pouvais entrer par un autre lieu.

— Elle vous pouvait introduire au château de jour, reprit Agathe, et vous cacher en quelque endroit.

— Cela eût été fort périlleux, repartit Francion.

— Vous l’aimez, je le vois bien, ajouta Agathe, vous ne pouvez croire qu’il y ait de la malice en son fait ; et vous imaginez que toutes les vertus se sont tellement fortifiées dans son âme, qu’elles en défendent l’approche à tous les vices. Possible vous figurez-vous qu’elle est encore aussi pucelle que quand sa mère l’enfanta, à cause que vous savez que Valentin ne lui a pas pu faire une grande vio-