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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/90

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et les usures du défunt sire ; ce qui la mit en colère davantage.

— Comment, vilain, dit-elle, en faisant le pot à deux anses, tu es donc si audacieux que de médire de celui qui a pris tant de peine à acquérir le bien dont tu jouis ? Ha ! par sainte Barbe, les marchands sont bien plus à priser que des coquins de procureurs comme toi. Tu t’es vanté que la plupart du bien que tu possèdes a été gagné par ton industrie ; mais tu mens, faux traître, tout vient de mon pauvre père, de qui Dieu ait l’âme. Hélas, continua-t-elle en pleurant, il fit une grande faute de me donner à un juif comme toi.

Après ceci, elle lui reprocha que le peu qu’il avait de son côté n’avait encore été acquis que par des larcins qu’il avait exercés sur ses parties, et lui dit ensuite, tous ses crimes si ouvertement, que, s’il eût envie d’aller à confesse à l’heure même, il eût fallu seulement qu’il l’eût écoutée pour apprendre tout au long de quelles choses il se devait accuser devant le prêtre.

Un villageois était alors dans l’étude avec le clerc, où il entendit, entre autres discours, que ma maîtresse disait à son mari qu’il l’avait trompé depuis peu, et lui avait fait payer six écus de quelque expédition qui n’en valait pas un. Son intérêt le pressant, il entre tout échauffé au lieu où se faisait la dispute, et s’écria :

— Monsieur mon procureur, rendez-moi cinq écus, vous avez pris cinq écus plus qu’il ne vous faut ; voilà votre femme qui vous le témoigne.

Mon maître, assez empêché d’ailleurs, ne lui répond point. Il redoubla alors ses cris ; et cependant ma maîtresse