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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/93

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fille de ma condition en pouvait avoir, et me pria de venir chez elle tout aussitôt que j’aurais pris mon congé de ma maîtresse. Je ne faillis pas à le demander des le jour même, sur l’occasion qui se présenta après avoir été bien criée pour avoir acheté de la marée puante.

Le paquet de mes hardes étant fait, j’allais trouver celle dont les promesses ne me faisaient attendre rien moins qu’un abrégé du paradis. Voyez comme j’étais simple en ce temps-là ; je lui dis :

— Ma bonne mère, comment est-ce que vous n’avez pas pris la bonne occasion que vous m’avez adressée. Pourquoi est-ce que vous n’allez point servir ce monsieur, avec qui l’ont fait si bonne chère, sans travailler que quand l’on en a envie ?

— C’est que je t’aime plus que moi-même, dit-elle en se prenant à rire. Ah, vraiment tu n’en sais guère ; je vois bien que tu as bon besoin de venir à mon école. Ne t’ai-je pas appris qu’il t’aime, et ne vois-tu pas que pour moi, je ne suis pas un morceau qui puisse chatouiller son appétit ? Il lui faut un jeune tendron comme toi, qui lui serve aussi bien au lit qu’à la table.

Là-dessus, elle chassa de mon esprit la honte et la timidité, et tâcha de me représenter les délices de l’amour. Je prêtai l’oreille à tout ce qu’elle me dit, goûtai ses raisons et suivis ses conseils, me figurant qu’elle ne pouvait faillir, puisque l’âge et l’expérience l’avaient rendue experte en toutes choses.

Monsieur de la Fontaine (ainsi s’appelait ce galant homme à qui je plaisais) ne manqua pas de venir des le jour même chez Perrette, d’où il ne bougeait, tant il