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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/95

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ses habits de bure, me rendait aussi satisfaite que son maître avec ses habits de satin.

Enfin, monsieur de La Fontaine revint en convalescence et paya tout au long les arrérages qu’il me devait. Son serviteur occupait aussi la place, lorsqu’il lui était possible, de façon que mon champ ne demeurait point en friche, et que, s’il ne produisait rien, ce n’était pas à faute d’être bien cultivé.

Je ne sais quelle mine vous faites, Francion, mais il semble que vous vous moquiez de moi. Êtes-vous étonné de m’entendre parler si librement ? La sotte pudeur est-elle estimée d’un si brave chevalier comme vous ?

Francion répondit alors à Agathe que la contenance qu’il tenait ne procédait que de l’aise qu’il sentait de l’ouïr discourir avec tant de franchise, et que tout ce qu’il avait à souhaiter était qu’elle parlât bientôt de Laurette.

— Toutes choses auront leur lieu, répliqua-t-elle ; vous n’aurez point de sujet de vous ennuyer. Le serviteur de monsieur de La Fontaine, étant entré en mes bonnes grâces, y gagna petit à petit une place plus grande que son maître, pour ce que l’égalité de nos conditions faisait que je parlais plus familièrement à lui. Enfin je ne divisai plus mon cœur en deux parts, et le lui donnai entièrement.

J’eus le vent que mon maître, persuadé par ses amis de quitter sa manière de vie, était en termes de se marier. Sa délibération m’en fit prendre une à mon profit, d’autant que je me figurai que lui ou la femme qu’il allait prendre me chasseraient honteusement de la maison. Pour remédier à ce mal, je me délibérai de faire un coup