Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/101

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Je me trouvai près de deux petites fosses pleines d’eaux, ou deux jeunes hommes tout nus se plongeoient, en disant par plusieurs fois qu’ils étoient dans les délices jusques à la gorge. Désirant de jouir d’un bonheur pareil au leur, je me déshabillai promptement, et, voyant une fosse dont l’eau me sembloit encore plus claire que celle des autres, je m’y voulus baigner aussi ; mais je n’y eus pas sitôt mis le pied, que je chus dans un précipice, car c’étoit une large pièce de verre qui se cassa, et m’écorcha encore toutes les jambes.

Je tombai pourtant en un lieu où je ne me froissai point du tout. La place étoit couverte de jeunes tetons collés ensemble deux à deux, qui étoient comme des ballons sur lesquels je me plus longtemps à me rouler. Enfin, m’étant couché lâchement sur le dos, une belle dame se vint agenouiller auprès de moi, et, me mettant un entonnoir en la bouche, et tenant un vase, me dit qu’elle me vouloit faire boire d’une liqueur délicieuse. J’ouvrois déjà le gosier plus large que celui de ce chantre qui avala une souris en buvant, lorsque, s’étant un peu relevée, elle pissa plus d’une pinte d’urine, mesure de Saint-Denis, qu’elle me fit engorger. Je me relevai promptement pour la punir, et ne lui eus pas sitôt baillé un soufflet que son corps tomba tout par pièces. D’un côté étoit la tête, d’un autre côté les bras, un peu plus loin étoient les cuisses : bref, tout étoit divisé ; et ce qui me sembla plus merveilleux, c’est que la plupart de tous ces membres ne laissèrent pas peu après de faire leurs offices. Les jambes se promenoient par la caverne, les bras me venoient frapper, la bouche me faisoit des grimaces, et la langue me chantoit des injures. La peur que j’eus d’être accusé d’avoir fait mourir cette femme me contraignît de chercher une invention pour la faire ressusciter. Je pensai que, si toutes les parties de son corps étoient rejointes ensemble, elle reviendroit en son premier état, puisqu’elle n’avoit pas un membre qui ne fut prêt à faire toutes ses fonctions. Mes mains assemblérent donc tout, excepté ses bras et sa tête, et, voyant son ventre en un embonpoint aimable, je commençai de prendre la hardiesse de m’y jouer, pour faire la paix avec elle ; mais sa langue s’écria que je n’avois pas pris ses tetons mêmes, et que ceux que j’avois mis à son corps étoient d’autres que j’avois ramassés emmi la caverne. Aussitôt je cherchai