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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/32

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de la ruelle, et dit à Laurette qu’elle avoit bien pu connoître, par les paroles et par les actions de Catherine, qu’elle n’étoit pas ce qu’elle lui avoit toujours semblé. Laurette, reconnaissant cette vérité apparente, lui dit qu’elle vouloit mettre ordre à cette affaire-là ; qu’elle vouloit empêcher que Catherine ne fit entrer des voleurs dans le château cependant que l’on n’y songeroit pas, et qu’elle désiroit aussi la punir de ses méchancetés. Avisez, madame, ce qu’il est besoin de taire, dit Olivier, je vous assisterai en tout et partout. Je m’en vais trouver Catherine, répliqua Laurette ; suivez-moi seulement de loin, et venez quand je vous ferai quelque signe, afin de la lier avec des cordes que vous porterez quand et vous[1]. Laurette, ayant dit cela, prit la chandelle, et s’en alla jusques en la chambre de la servante : Viens-t’en avec moi dans cette salle basse, lui dit-elle, porte la lumière. Pourquoi faire ? madame, répondit Catherine. De quoi te soucies-tu ? répliqua Laurette, tu le verras quand tu y seras.

Quand elles furent entrées en la salle, Laurette dit à Catherine : Ouvre la fenêtre, et monte dessus pour voir ce que c’est qui est attaché au haut de la grille et qui remue à tous momens ; cela m’a mise en peine tout à cette heure en y regardant delà haut. Or c’étoit le voleur, qui étoit demeuré là attaché.

Catherine, qui n’en sçavoit rien, après avoir eu la témérité de toucher en bouffonnant les tetons de sa maîtresse, mit le pied sur un placet, et de là sur la fenêtre, où elle ne fut pas plutôt, qu’Olivier, qui attendoit à la porte, s’approcha, au signe que lui fit Laurette, laquelle, ayant pris une grande chaire, monta dessus, et empoigna fermement sa servante, tandis que, d’un autre côté, Olivier lui lioit les bras par derrière a la croisée. Ce n’est pas tout, dit Laurette en riant, lorsqu’elle se vit assurée de sa personne, il faut voir si elle est ce qu’elle s’est vantée d’être. En disant cela, elle lui troussa la cotte et la chemise, et les lui attacha tout au-dessous du cou avec une aiguillette ; de sorte que l’on pouvoit voir sans difficulté ses parties. Olivier commença alors à s’en gausser, tellement que son compagnon et Catherine le reconnurent à sa parole. Ah ! ce dit l’un, je te supplie de m’aider à m’ôter d’ici ; car voilà le jour qui vient, et, si l’on me trouve en cet état, je te laisse à

  1. Pour : avec vous.