Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/464

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sidération sur ce sujet, et, voyant qu’Audebert cessoit de l’écouter, s’arrêtant à parler à du Buisson, tellement que, bien qu’il eût pris ses tablettes pour écrire tout ce que diroit son roi, il n’avoit guère écrit de choses, il lui fit signe des yeux, et lui dit : Audebert, mettez tout ; voyez-vous pas que ceci est digne de remarque ? J’ai tout mis, excepté le latin, répondit Audebert ; je vous supplie de me le dire encore. Là-dessus Hortensius ne feignit point de lui dicter tout du long l’épigramme d’Ausone, croyant que ce fût une chose de grande conséquence à sa vie ; ce qui donna un plaisir nonpareil à l’assistance. Là-dessus du Buisson, qui ne se pouvoit taire, s’en va dire : Sire, je ne sçais qu’un mot de latin, Simia semper simia. Autrefois vous avez dicté, et maintenant vous dictez encore. Mais voyez ce petit fripon, dit Hortensius ; lorsque hier messieurs les Polonois que voici m’eurent appris que leurs compatriotes m’avoient donné leur sceptre, je crus qu’il ne me manquoit plus rien que les bouffons pour être roi ; mais, à ce que je vois, je n’en manquerai pas. Toutes ces reparties furent trouvées admirables en apparence, et les ambassadeurs élevoient à tous coups les mains au ciel, disant en latin : Oh ! que sa sagesse est grande ! qu’il est doux ! qu’il est clément ! que notre Pologne sera contente de l’avoir ! Platon dit que, pour rendre les républiques heureuses, il faut que les philosophes règnent, ou que les rois soient philosophes. Oh ! que voici bien un de ces rois philosophes qu’il désire ! Puisque l’on nous apprend qu’il a régenté aux universités, il n’est pas qu’il n’ait enseigné la logique, qui est la première partie de la philosophie et qu’il ne la sçache sur le bout du doigt. Parce que Nays n’entendoit pas le latin, Francion étoit auprès d’elle qui lui expliquoit tout ce qu’ils disoient. Pour le françois elle le parloit parfaitement bien.

Afin de mettre Hortensius sur quelque agréable discours, elle s’avisa de lui dire qu’elle avoit ouï parler de cinq ou six romans excellens qu’il avoit envie de composer ; et elle lui demanda s’il se donneroit cette peine de les continuer. Il répondit qu’il auroit bien d’autres choses à faire, et qu’il auroit des écrivains à gages pour les accomplir, d’autant que pour lui il faudroit qu’il fît céder les paroles aux actions, et qu’il avoit un désir extrême d’exterminer la race des Ottomans et d’aller conquérir les palmes idumées ; tellement qu’il mettroit