ment que les femmes recevoient de leurs seconds maris elles regrettoient les premiers. Mais Raymond, arrivant là-dessus, dit que l’on ne devoit pas craindre que Nays ne trouvât des qualités en la personne de Francion qui lui fissent oublier ses premières affections. Pour moi, dit alors Francion, je ne trouve point que ce me soit une chose désavantageuse d’épouser une veuve ; elle en sçait mieux ce que c’est d’aimer, il m’en falloit une nécessairement ; et, si elle a été à un autre homme que moi, à combien de femmes ai-je été aussi ? Ils tinrent encore d’autres discours là-dessus, après qu’Hortensius se fut retiré ; et Francion fit toujours paroître que rien ne pouvoit empêcher qu’il n’estimât sa fortune, et que toutes les raisons que l’on lui pouvoit dire n’étoient pas alors capables de le divertir de son amour et de son dessein. Il commençoit de voir toutes choses d’un autre œil qu’il n’avoit fait auparavant, et il croyoit qu’il étoit temps qu’il songeât à faire une honnête retraite.
LIVRE DOUZIÈME
orsque ces deux parfaits amis discouroient ensemble de
leurs affaires, il arriva subitement un certain homme que
l’on appeloit le seigneur Bergamin, duquel Francion avoit eu
la connoissance il y avoit quelque temps, et en faisoit beaucoup
d’état, parce qu’il étoit de fort bonne conversation. Il lui fit
un bon accueil, et lui dit qu’il ne sçavoit pourquoi il ne le
venoit plus visiter, et qu’ils avoient perdu beaucoup de ne l’avoir
point en leur compagnie dans les occasions qui s’étoient
passées, parce qu’ils avoient fait quantité de débauches honnêtes,
et qu’ils avoient joué des comédies de toutes façons,
faisant autant de pièces véritables comme de feintes. Là-dessus
il conta en bref tout ce qui s’étoit passé d’Hortensius, et
tous leurs autres divertissemens ensuite ; mais Bergamin ne
sçavoit pas si peu de nouvelles qu’il n’eût quelque connois-