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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/95

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ma maîtresse, et recevrai d’elle tout ce que je saurois désirer. Ce discours fini, Agathe prit congé de la compagnie, et monta dans une charrette, où elle avoit fait tout son voyage ; puis elle se mit au chemin de la demeure de sa nièce, envers qui elle n’avoit pas envie de faire la chose dont elle avoit menacé Francion ; car elle s’étoit résolue de le secourir entièrement sans qu’il s’en aperçut, et de donner de la casse au financier.

Ces malheureuses gens ont toujours été à qui plus leur donne, et à qui plus leur fait espérer. L’on ne voit point pourtant qu’ils en soient plus à leur aise. Leur vie est toute tissue de malheurs ; mais leur insensibilité fait que cela ne les empêche pas d’avoir de la gaieté : mais elle est bien fausse et bien éloignée de celle de ceux qui vivent justement. Nous avons vu ici parler Agathe en termes fort libertins ; mais la naïveté de la comédie veut cela, afin de bien représenter le personnage qu’elle fait. Cela n’est pas pourtant capable de nous porter au vice ; car, au contraire, cela rend le vice haïssable, le voyant dépeint de toutes ses couleurs. Nous apprenons ici que ce que plusieurs prennent pour des délices n’est rien qu’une débauche brutale dont les esprits bien sensés se retireront toujours.







LIVRE TROISIÈME



Comme cette pernicieuse vieille fut partie, laissant ceux qui l’avoient entendue discourir tout satisfaits des facétieux contes dont elle les avoit entretenus, il arriva dans la taverne un carrosse que le gentilhomme qui avoit couché avec Francion avoit envoyé querir chez soi dès le grand matin. Après dîner, voyant que la pluie étoit passée, il fit tant, que le pèlerin y monta, lui disant qu’il désiroit avoir cet honneur de le