Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/43

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qui développera un caractère entièrement différent de celui des démocraties antiques. Il en est, et il en restera toujours à la liberté romaine et à la vertu politique de Lycurgue. Il oppose, par effet de contraste et par jeu satirique de figures, la république à la monarchie ; mais c’est la république des anciens. Il n’en imagine pas d’autre. Dès qu’il touche à ce grand problème, il se perd dans le rêve ; et l’on voit se nouer, à travers la fantaisie des Lettres persanes, les liens singuliers qui rattacheront ce réformateur de l’ancien régime aux apôtres de la Révolution. La monarchie, dit Usbek, « est un état violent qui dégénère toujours en despotisme » « Le sanctuaire de l’honneur, de la réputation et de la vertu, semble être établi dans les républiques et dans les pays où l’on peut prononcer le mot de patrie. »

« Je t’ai souvent oui dire, écrivait un des amis d’Usbek, que les hommes étaient nés pour être vertueux, et que la justice est une qualité qui leur est aussi propre que l’existence. Explique-moi, je te prie, ce que tu veux dire. » Montesquieu ne l’expliqua jamais très clairement. Cette question des origines et du fondement du droit le trouva toujours embarrassé, fugitif et vague. Faute de mieux, il s’en tire par un apologue, l’histoire des Troglodytes, qui prouve « qu’on ne peut être heureux que par la pratique de la vertu ». Il construit une Salente, mais fort différente de la Salente de Fénelon. Celle-ci était l’idéal du futur gouvernement du duc de Bourgogne sous le ministère