Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/103

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récentes affaires de Russie semblent même avoir montré que les gouvernements peuvent compter, beaucoup plus qu’on ne supposait, sur l’énergie des officiers : presque tous les hommes politiques français avaient prophétisé la chute imminente du tsarisme, au moment des défaites de Mandchourie ; mais l’armée russe n’a point manifesté, en présence des émeutes, la mollesse qu’avait eue l’armée française durant nos révolutions ; la répression a été, presque partout, rapide, efficace ou même impitoyable. Les discussions qui ont eu lieu au congrès des sociaux-démocrates, réunis à Iéna, montrent que les socialistes parlementaires ne comptent plus du tout sur une lutte armée pour s’emparer de l’état.

Est-ce à dire qu’ils soient complètement ennemis de la violence ? Il ne serait pas dans leur intérêt que le peuple fût tout à fait calme ; il leur convient qu’il y ait une certaine agitation ; mais il faut qu’elle soit contenue en de justes limites et contrôlée par les politiciens. Jaurès fait, quand il juge cela utile pour ses intérêts, des avances à la Confédération du Travail[1] ; il recommande parfois à ses pacifiques commis de remplir son journal de phrases révolutionnaires ; il est passé maître dans l’art d’utiliser les colères populaires. Une agitation, savamment canalisée, est extrêmement utile aux socialistes parlementaires, qui se vantent, auprès du gouvernement et de la riche bourgeoisie, de savoir modérer la révolution ; ils peuvent ainsi faire réussir les affaires financières auxquelles ils

  1. Suivant les besoins, il est pour ou contre la grève générale. D’après quelques-uns il vota pour la grève générale au congrès international de 1900, d’après d’autres il s’abstint.