Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/104

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s’intéressent, faire obtenir de menues faveurs à beaucoup d’électeurs influents, et faire voter des lois sociales pour se donner de l’importance dans l’opinion des nigauds qui s’imaginent que ces socialistes sont de grands réformateurs du droit. Il faut, pour que cela réussisse, qu’il y ait toujours un peu de mouvement et qu’on puisse faire peur aux bourgeois.


On conçoit qu’il pourrait s’établir une diplomatie régulière entre le parti socialiste et l’état, chaque fois qu’un conflit économique s’élèverait entre ouvriers et patrons : deux pouvoirs régleraient le différend particulier. En Allemagne, le gouvernement entre en négociations avec l’Église chaque fois que les cléricaux gênent l’administration. On a souvent engagé les socialistes à imiter Parnell qui avait su imposer, si souvent, sa volonté à l’Angleterre. La ressemblance avec Parnell est d’autant plus grande que l’autorité de celui-ci ne reposait pas seulement sur le nombre de voix dont il disposait, mais aussi et principalement sur la terreur que tous les Anglais éprouvaient à la seule annonce de mouvements agraires en Irlande. Un peu de violences, contrôlées par un groupe parlementaire, servait fort la politique parnellienne, comme elle sert aussi la politique de Jaurès. Dans un cas comme dans l’autre, un groupe parlementaire vend la tranquillité aux conservateurs, qui n’osent faire régner leur force.

Cette diplomatie est difficile à conduire et on ne voit pas que les irlandais, après la mort de Parnell, aient réussi à la continuer avec le même succès que de son temps. En France, elle présente une difficulté toute particulière, parce que, nulle part peut-être, le monde ouvrier n’est