ner les gens éclairés à faire des réformes ; — et il ruine progressivement l’ordre traditionnel, contre lequel les critiques des idéologues s’étaient montrées d’une si déplorable insuffisance. On pourrait donc dire que le capitalisme joue un rôle analogue à celui que Hartmann attribue à l’« inconscient » dans la nature, puisqu’il prépare l’avènement de formes sociales qu’il ne cherche pas à produire. Sans plan d’ensemble, sans aucune idée directrice, sans idéal d’un monde futur, il détermine une évolution parfaitement sûre ; il tire du présent tout ce qu’il peut donner pour le développement historique ; il fait tout ce qu’il faut pour qu’une ère nouvelle puisse apparaître, d’une manière presque mécanique, et qu’elle puisse rompre tout lien avec l’idéologie des temps actuels, malgré la conservation des acquisitions de l’économie capitaliste[1].
Les socialistes doivent donc cesser de chercher (à la suite des utopistes) les moyens d’amener la bourgeoisie éclairée à préparer le « passage à un droit supérieur » ; leur seule fonction consiste à s’occuper du prolétariat pour lui expliquer la grandeur du rôle révolutionnaire qui lui incombe. Il faut, par une critique incessante, l’amener à perfectionner ses organisations ; il faut lui indiquer comment il peut développer des formations embryonnaires qui apparaissent dans ses sociétés de résistance, en vue d’arriver à construire des institutions qui n’ont point de modèle dans l’histoire de la bourgeoisie, en vue
- ↑ Cf. ce que j’ai dit sur la transformation que Marx a apportée dans le socialisme. Insegnamenti sociali, pp. 179-186.