Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sauvage dès qu’ils voient la honte pénétrer au foyer des grands de la terre. Avec une impudence qui ne laisse pas que d’étonner parfois, ils prétendent servir ainsi la cause de la morale superfine qui leur tiendrait autant à cœur, à ce qu’ils disent, que le bien-être des classes pauvres, et que leur liberté ! Mais il est probable que leurs intérêts sont les seuls mobiles de leurs actions[1].

La jalousie est un sentiment qui semble être surtout propre aux êtres passifs ; les chefs ont des sentiments actifs, et la jalousie se transforme chez eux en une soif d’arriver, coûte que coûte, aux positions les plus enviées, en employant tous les moyens qui permettent d’écarter les gens qui gênent leur marche en avant. Dans la politique il n’y a pas plus de scrupules que dans les sports : l’expérience apprend tous les jours avec quelle audace les concurrents dans les courses de tout genre corrigent les hasards défavorables.

3° La masse commandée n’a qu’une notion très vague et prodigieusement naïve des moyens qui pourraient servir à améliorer son sort ; les démagogues lui font croire facilement que le meilleur moyen consiste à employer la force de l’état pour embêter les riches ; on

  1. Je note ici, en passant, que le Petit Parisien, dont l’importance est si grande comme organe de la politique de réformes sociales, s’est passionné pour les tribulations de la princesse de Saxe et du charmant précepteur Giron ; ce journal, très préoccupe de moraliser le peuple, ne peut comprendre que le mari trompé s’obstine à ne pas reprendre sa femme. Le 14 septembre 1906 il disait qu’elle « brisa avec la morale vulgaire » ; on peut conclure de là que la morale du Petit Parisien ne doit pas être banale !