Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/324

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Révolution française ; que l’intelligence de la nouvelle loi a été donnée à quelques-uns de nous dans sa plénitude ; que la pratique ne nous a pas non plus tout à fait manqué ; et que succomber dans cet enfantement sublime, après tout, n’était pas sans grandeur. À cette heure la Révolution se définit : elle vit donc. Le reste ne pense plus. L’être qui vit et qui pense sera-t-il supprimé par le cadavre ? »[1]


J’ai dit, dans le chapitre précédent, que toute la doctrine de Proudhon était subordonnée à l’enthousiasme révolutionnaire et que cet enthousiasme s’était éteint depuis que l’église avait cessé d’être redoutée ; aussi, ne faut-il pas s’étonner si l’entreprise que Proudhon jugeait facile (la création d’une morale absolument débarrassée de toute croyance religieuse), paraît fort hasardée à beaucoup de nos contemporains. Je trouve la preuve de cette manière de penser dans un discours prononcé par Combes durant la discussion du budget des cultes, le 26 janvier 1903 : « Nous considérons, en ce moment, les idées morales telles que les Églises les donnent, comme des idées nécessaires. Pour ma part, je me fais difficilement à l’idée d’une société contemporaine composée de philosophes semblables à M. Allard[2], que leur éducation pri-

  1. Proudhon, loc. cit., p. 104.
  2. Ce député avait fait un discours très anticlérical dans lequel je relève cette idée étrange que « la religion juive fut bien la plus cléricale de toutes les religions, posséda le cléricalisme le plus sectaire et le plus étroit ». Un peu plus haut il disait : « Moi, qui ne suis pas antisémite, je ne fais aux