Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/38

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catholicisme est aujourd’hui si menacé, cela tient beaucoup à ce que le mythe de l’Église militante tend à disparaître. La littérature ecclésiastique a fort contribué à le rendre ridicule ; c’est ainsi qu’en 1872 un écrivain belge recommandait de remettre en honneur les exorcismes, qui lui semblaient être un moyen efficace pour combattre les révolutionnaires[1]. Beaucoup de catholiques instruits sont effrayés en constatant que les idées de Joseph De Maistre ont contribué à favoriser l’ignorance du clergé, qui évitait de se tenir au courant d’une science maudite ; le mythe satanique leur semble donc dangereux et ils en signalent les aspects ridicules ; mais ils n’en comprennent pas toujours bien la portée historique. Les habitudes douces, sceptiques et surtout pacifiques de la génération actuelle ne sont pas favorables d’ailleurs à son maintien ; et les adversaires de l’Église proclament bien haut qu’ils ne veulent pas revenir à un régime de persécutions qui pourrait rendre leur puissance ancienne aux images de guerre.

En employant le terme de mythe, je croyais avoir fait une heureuse trouvaille, parce que je refusais ainsi toute discussion avec les gens qui veulent soumettre la grève générale à une critique de détail et qui accumulent les

  1. P. Bureau. La crise morale des temps nouveaux, p. 213. L’auteur, professeur à l’institut catholique de Paris, ajoute : « La recommandation ne peut exciter aujourd’hui que l’hilarité. On est bien obligé de croire que l’étrange formule de l’auteur était alors accepté par un grand nombre de ses coreligionnaires, quand on se rappelle l’étourdissant succès des écrits de Léo Taxil, après sa prétendue conversion. »