Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
le vampire.

Il entra vite et sans bruit.

Les rideaux relevés des croisées permettaient à la lune de verser tous ses rayons dans cette chambre. Le jeune homme éclairé ainsi, vit son image réfléchie dans une glace, il eut peur.

Sa figure était livide comme une tête de Zurbaran, sa chevelure humide et en désordre. Il est, dans la vie, des heures qui décident quelquefois de toute une existence. Robert comprit alors que l’action qu’il commettait allait amener après elle une conséquence ignorée, mais grande. Indécis, il vacilla un instant, il se demanda s’il n’était pas imprudent de violenter ainsi sa destinée, de jeter de la sorte une torche éclatante dans l’inconnu. Mais ses yeux habitués à la demi-teinte de l’appartement lui montrèrent élevé sur une estrade le lit de la vicomtesse. Il respirait cette atmosphère enivrante qui flotte dans le boudoir d’une femme, et détruit toujours toute idée de sagesse dans le cœur d’un jeune homme. La scène du salon revint à son esprit déjà toute parée des enjolivures du souvenir. Il était sur le théâtre, il résolut d’accomplir son rôle. D’abord, par une certaine défiance de lui-même, il chercha non à reculer, mais tout au contraire à ne pouvoir retourner en arrière. Il demeura un moment immobile ; puis entendant au-dehors des voix et des pas dans l’escalier, il se dit satisfait et croyant se tromper : — Maintenant, c’est impossible !… Alors, rejetant le passé comme fini, derrière cette barrière, il accepta l’avenir du point où il se trouvait.

Il y a dans toutes les actions humaines, surtout en amour, un fait matériel qu’on ne saurait éviter. Ainsi, ne devant pas être vu tout d’abord, il lui fallait une retraite