Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/291

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à minute. Cependant tout cela était innocent ; ces gages si éphémères qu’il conservait avec tant de soin, je les eusse donnés à un ami, et aucune parole n’avait dit encore à Léon que je les lui donnais à un autre titre. Un jour vint cependant où je reçus et rendis un gage qui délia, pour ainsi dire, le silence de nos cœurs. Qu’on me pardonne ces détails des seuls jours où j’ai senti la vie dans toute sa puissance, qu’on ne rie pas de ces frêles bonheurs qui seuls encore m’aident à supporter le lourd malheur qui m’a frappée : ce sont les seuls moments du passé où je puisse endormir ma peine par le souvenir, et celui-ci me fut bien doux, non pas pour le bonheur qu’il m’apporta, mais pour le bonheur que je pus rendre. Car, j’avais raison de le penser, aimer c’est rendre heureux. C’était la veille du jour de ma naissance. Mon père, ma mère, mes frères, jusqu’à mes nièces me lutinaient en me menaçant de leurs cadeaux pour le lendemain.