Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne fut pas ainsi pour moi. Toutes les fois que je souriais à Léon, que je le regardais, que je lui parlais, il y avait en lui tant d’ivresse, tant de bonheur, que je ne puis dire quel attrait je trouvais à semer une si puissante félicité près de moi. Oh ! je l’aimais bien, je l’aimais pour qu’il fût heureux. C’est pour qu’il fût heureux que j’ai été coupable ; c’est parce que je crois en son bonheur s’il me revoyait que je souffre, et c’est pour cela aussi que je souffre avec courage.

« Les jours qui suivirent celui-là furent les jours vraiment heureux de ma vie. Je sentis, dans toute sa plénitude enivrante, le bonheur d’aimer et d’être aimée. Pourtant je ne me dissimulais point qu’il y avait entre Léon et moi un obstacle qui serait invincible. Je le voyais, je le regardais en face ; mais il ne m’inspirait pas de terreur. Je n’avais aucun moyen de changer le sort qui m’attendait, mais je n’en cherchais pas ; j’aimais, j’étais aimée ! ce sentiment tenait tout mon cœur. Cette ivresse était si complète que je n’avais plus besoin de souvenirs ni