Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/298

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d’espérances. Le présent était toute ma vie. Ce que j’avais été, ce que je deviendrais ne pouvait parvenir à m’occuper : j’aimais, j’aimais.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! maintenant que la réflexion, la solitude, le désespoir m’ont éclairée sur tant de choses qui se disaient autour de moi, il me semble que ceux qui parlaient d’amour n’avaient jamais aimé, ou bien j’aimais comme les autres n’avaient aimé jamais. Mon Léon était mon âme, ma pensée, ma vie. Je n’étais pas comme ceux qui font des projets d’avenir pour être heureux ensemble ! c’eût été penser hors de ce que j’éprouvais, et je ne le pouvais faire. Je me sentais le cœur suspendu dans un bien-être au-dessus de tous les calculs et de toutes les prévoyances ; les forces de ma vie et de ma pensée suffisaient à peine à cet enivrement. Ô mon Léon ! je l’ai aimé, aimé comme tu ne peux le croire, car, maintenant en te donnant ma vie, maintenant en acceptant la torture de mort où je vis pour ne pas renier ton amour, je ne t’aime plus comme alors ; je pense à ma vie perdue, à mon honneur flétri ; je sais ce que je fais,