Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/299

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j’ai une volonté. Alors je n’en avais pas ; j’aimais, c’était tout : devoir, honneur, vertu, c’était aimer. Pauvre Léon, que je t’aimais !

« Ce qui se passa entre moi et Léon durant un mois que je fus ainsi, je ne le pourrais dire. Tout me plaisait et m’enivrait. S’il était près de moi, j’étais heureuse ; s’il était loin de moi, j’étais heureuse ; je ne redoutais ni son absence ni sa présence. Quand il me parlait, sa voix vibrait en moi et y éveillait un écho si puissant qu’il murmurait sans cesse, et que je l’écoutais encore quand il ne me parlait plus. Ai-je vécu de la vie des autres durant ce temps ? étais-je de ce monde ? n’ai-je pas été ravie au ciel, dans une atmosphère inconnue ? n’est-ce pas un rêve où veillait l’amour seul, tandis que la prudence et le devoir dormaient dans mon cœur ? Oui, ce fut un rêve, un délire, une ivresse sans nom ; car, lorsque le malheur vint m’en arracher, je n’aurais pu dire ce qui s’était passé, je n’aurais pu préciser une seule circonstance de ces jours si pleins, j’en éprouvais