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mille francs payés, plus les intérêts, il ne lui était resté que quatre-vingt mille francs sur la dot ; les quatre-vingt mille francs étaient passés en partie dans les dépenses de la maison, auxquelles ne suffisaient pas les bénéfices de l’étude. Il fallait se réduire considérablement ou faire de mauvaises affaires. Eugène n’accepta ni cette humiliation ni cette honte. Il se décida à vendre sa charge. Le 1er mars 1815, il était près de conclure pour trois cent cinquante mille francs ; il retarda de huit jours la signature de l’acte, et, un an après, il vendit pour cinquante mille francs.

Aujourd’hui, M. Faynal est un habitant de Saint-Gaudens, ayant une femme de quarante-huit ans, quatre enfants, deux mille deux cents livres de rentes ; il s’est adonné à la culture des roses ; il porte des souliers en veau d’Orléans, avec des guêtres de coutil ; fait des parties de boston à un liard la fiche, et joue de la clarinette. Après avoir été notaire, il a encore du cœur et des idées ; il sent son malheur et se trouve ridicule. C’est lui qui dort en face de toi.

— Et que me fait cet homme, pour que tu m’aies si longuement raconté les tribulations de sa vie ?

— Comment ! tu ne comprends pas, repartit le Diable, comment un notaire peut se trouver mêlé à ta vie ?

— Quand on n’a fait ni ventes, ni acquisitions, ni mariage, contrat double où l’on vend son nom sans acheter le bonheur…

— Mauvais, très-mauvais ! dit le Diable.

— Plaît-il ?

— Continue, je ne répète pas.

— Eh bien ! quand on n’a rien fait de tout cela, on n’a pas de grands intérêts à démêler avec un notaire.

— N’en avais-tu aucun avec M. Barnet ?

— Assurément, mais M. Barnet était mon notaire.

— Mais n’était-ce pas comme notaire d’un autre que tu as désiré le consulter ?

— En effet, dit Luizzi, comme notaire du marquis du Val. Eh bien ?

— Eh bien, pauvre garçon ! tu ne comprends pas ? et tu veux aller vivre à Paris, où il faut deviner à peu près tout ! car c’est un pays où l’on ne dit presque rien des intérêts cachés, tant on a la conscience que chacun les apprécie.

— Tu es trop fin pour moi, mons Satan.

— Eh bien donc ! monsieur le baron, il est presque inévitable que dans un contrat de mariage il se trouve deux notaires, celui de la famille du mari et celui de la famille de la mariée.

— C’est probable.

— Qu’était M. Barnet ?

— Le notaire du marquis du Val.

— Et quel était le notaire de mademoiselle Lucy de Crancé, devenue marquise du Val ?

— Ce serait ce monsieur qui dort ?

Très-