Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

dame Humbert, je m’en vais arranger cela. Où est le paquet qu’il faut mettre dedans ?

— À gauche, là, sur la cheminée, près de cette petite sonnette d’argent qui a une si drôle de forme.

Luizzi, à ce mot, souleva sa tête et aperçut son talisman. Le premier sentiment qu’il éprouva fut une vive satisfaction ; mais peu à peu, en réfléchissant à la position où l’avaient conduit les confidences du Diable, il se promit bien de ne plus avoir recours à lui. Pendant que Pierre préparait la tisane et que madame Humbert continuait la dégustation de l’eau-de-vie brûlée, le cocher entra, portant d’une main un bocal de sangsues et de l’autre un énorme paquet de farine de graine de moutarde. Cette vue, mieux que toutes ses réflexions, inspira à Luizzi l’idée de se tenir en repos. Il frémit de penser qu’on allait lui appliquer de pareils topiques, et, pour que le désir de lui porter secours ne vînt pas à ces deux excellents serviteurs, il feignit de dormir, pour rendre la comédie plus complète, il essaya même d’un léger ronflement.

— Hein ! dit Pierre en se retournant. Dieu me damne ! je crois qu’il râle.

— Sûr, dit le cocher en s’avançant vers le lit.

— Pas possible ! dit Madame Humbert en se soulevant à peine de son fauteuil.

— Ça ne m’étonnerait pas, reprit Pierre qui vint à son tour examiner le malade, il y a plus de huit jours qu’il nous lanterne comme ça : tâtez-y donc un peu le pouls.

Madame Humbert se leva à son tour, mais l’eau-de-vie brûlée ayant agi plus qu’elle ne pensait, elle arriva en trébuchant, et, au lieu de prendre le poignet du malade pour y chercher le pouls qui battait encore vigoureusement, elle promena son doigt sur le dos de la main. Ne sentant point les pulsations de l’artère, elle répondit doctoralement :

— Ma foi, je crois que c’est fait.

Requiescat in pace, dit Pierre en lui jetant le drap sur le visage, j’ai mon beurre fait.

De profundis, répondit le cocher en nasillant, les chevaux ont mangé tout le foin et toute l’avoine.

— Un moment, dit madame Humbert, je suis responsable, ne touchez pas aux effets, ça se reconnaît : l’argent comptant, je ne dis pas.

— Y en a pas d’argent comptant, dit Pierre.

— D’où le sais-tu ? repartit le cocher, t’as donc visité les commodes et les secrétaires.

— Je te dis que je sais qu’il n’y en a pas.

— Bon, bon, fit le cocher, compte là-dessus, les commissaires de police ne sont pas faits rien que pour les chiens : tu vas me donner tout de suite ma part, ou je vais chez le magistrat et je babille.

— Avise-t’en, et je te ferai demander si depuis six semaines les che-