Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Que lui sert d’écraser le Russe qui l’assiège !
Chaque champ de triomphe est un tombeau de neige ;
Et dans ces longues nuits dont se voile son sort,
Le sommeil, comme à Sparte, est frère de la mort.
Et la faim, spectre Même, en pleurs dans l’ombre noire,
Ronge les chevaux morts qu’attelait la victoire.
Devant ses yeux lassés, dévorants horizons,
Vous déroulez sans fin vos steppes de glaçons !
Fleuves, que le Géant traverse sous l’armure,
Vous tressez de glaçons sa noire chevelure !
Son pied, fumant encor, sur le sol se roidit.
Au chaos de frimas dont le cercle grandit,
Il jette, en s’enfuyant, son trophée en ruine ;
La croix du grand Ivan tombe de sa poitrine ;
Et de ses doigts crispés roule sur le chemin,
Le globe impérial mal rivé dans sa main.
O chute d’un héros ! fatidique naufrage !
L’âme de l’avenir gémit dans cet orage.
A force d’augmenter son poids de demi-dieu,
Du char de la victoire il a rompu l’essieu ;
Et, comme cette neige au vent glacé du pôle,
Le monde qu’il créait en poussière s’envole.
Lancé par le destin, plus haut que tous les rois,
Il écrase son trône en tombant du pavois !!!
Bientôt l’exil, la mort… immesurable perte !
Qu’un seul homme de moins rend la gloire déserte !