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Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/167

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Agitant dans ses mains une hache étoilée,
Je revis cette femme étrange ! Elle chantait ;
Sur l’écorce d’un pin sa hache s’abattait,
Et puis en longs débris en divisait la tige,
Aux refrains de ce chant, romance du vertige.
« Pourquoi me fuir, lui dis-je, ô bel ange égaré ?
« L’heure est mystérieuse et l’amour est sacré.
« J’aime à sentir, ainsi que des branches de saules,
« Plier sous mes baisers d’ondoyantes épaules.
« Que fais-tu dans ce bois, loin de ton ciel natal ! »
— Peut-être, me dit-elle, est-ce un lit nuptial ! —
Et je la vis sourire et s’enfuir… Je m’élance…
Tout à coup, des grands bois déchirant le silence,
Un ouragan se lève et semble, déchaîné,
M’emporter sur un sol froid, chauve, décharné :
Cimetière désert dont les portes ouvertes
N’entendaient pas trembler les longues herbes vertes.
Sur les murs lézardés, en foule, s’agitaient
Des ombres qu’à mes yeux nuls corps n’y projetaient ;
Tous les oiseaux de l’ombre y faisaient leurs demeures.
Sur un cadran de fer où n’étaient pas les heures,
Une main lente et noire, au bruit sourd des autans,
Tournait, tournait, tournait, sans y marquer le temps.
Et la femme inconnue apparaissait plus belle,
Sous le portail croulant d’une morne chapelle ;
Et, murmurant tout bas un air de trépassé,
Sous une bêche d’or creusait le sol glacé.
Moi, je m’approchai d’elle, et nous nous regardâmes.
« J’aime comme Satan à séduire les femmes,
« Je n’essuyai jamais le caprice d’un non,
« Lui dis-je, et mon regard t’a révélé mon nom !
« Que fais-tu dans ce lieu, ma changeante colombe ? »