Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/179

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Le monde se divise, et de ce double camp
La moitié la plus vaste échappe au Vatican.
Le vieux catholicisme enfin forcé d’absoudre,
Amoindrit chaque jour le cercle de sa foudre.
Alors le doute règne et suit en hésitant
D’un espoir tourmenté le mirage inconstant.
Et soudain, adorant l’ombre qui l’enveloppe,
L’âge de l’industrie, avare et dur cyclope,
Semble emprunter leur force aveugle aux éléments,
Pour étouffer l’esprit entre ses bras fumants :
On sent que le géant n’est qu’un fils de la terre,
Et demi-dieu trompeur, il ressemble à sa mère.
Le peuple est appauvri par ses travaux ingrats ;
Chacun de ses leviers paralyse cent bras.
Le spectre de la faim, cherchant le Polyphème,
Aspire à l’écraser sous son enclume même :
Et lui, le front caché dans ses tourbillons noirs,
Couvre les longs sanglots du bruit des laminoirs.
Pareil à ses wagons que fait voler la flamme,
Le monde dégradé prend la vapeur pour âme !
Fournaise où ne se trempe aucun mâle ressort,
Nul bouclier divin de ses forges ne sort ;
Ses vaisseaux, sur les mers, n’ont plus besoin de voiles,
Son œil, baissé toujours, n’a plus besoin d’étoiles.
Et, comme un doux essaim de passereaux blessés,
L’essaim des arts s’enfuit loin des luths délaissés.
Sous le voile épaissi de la tiède atmosphère,
Michel-Ange oublié n’aurait eu rien à faire.