Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/206

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S’il se renverse et roule et sillonne la poudre,
Son vainqueur suit sa chute, et sans quitter le crin,
Soumet sa bouche ardente aux morsures du frein.
Ainsi j’asservirai l’amour, flamme irritée,
Tourbillon qui m’entraîne en sa course indomptée.

*


Un jour que dans mon cœur, battant à coup pressé,
Coulait, comme une lave, un espoir insensé ;
Un jour que je sentais, de ruine en ruine,
Ce monde défaillant m’écraser la poitrine ;
Infidèle un moment aux ordres du vieillard,
Seul j’osai, sous la foudre, escalader l’Arar.
Mes mains des rocs aigus ensanglantaient la cime,
Le vertige aveuglé tournait sur chaque abîme ;
Et pour ne pas rouler dans les gouffres grondants,
J’ébréchais des grands ifs la tige entre mes dents :
Je sentis, sans terreur, l’esprit de la tempête
Saisir ma chevelure et me lancer au faîte,
Et m’abandonner seul, en s’élevant toujours,
Sur le. roc qui portait l’arche des anciens jours.

Tu m’apparus alors, tout couronné d’orages,
O vaisseau que n’a point battu le flot des âges !
Au sommet de l’Arar huit mille ans conservé,
Incorruptible ainsi que l’âme de Noé.
Bois régénérateur, miraculeux refuge,
Bercé quarante jours sur le sein du déluge,
Et d’où sortit après, Dieu montrant le chemin,